L’attractivité est devenue un enjeu fondamental du développement et de l’aménagement des territoires.
Le marketing territorial est donc logiquement devenu un outil de gestion de l’image et de la communication, dans la concurrence que se livrent les collectivités pour attirer le plus possible de “clients”. Les richesses produites par le tourisme constituant une part importante des recettes des territoires, l’utilisation du patrimoine et de la qualité des paysages comme facteur d’attractivité et de fierté est logique et déterminante.
Enjeux identitaires
Dans cette course à l’attractivité, les labels sont apparus comme un outil incontournable. Leur utilisation dans un but promotionnel est cependant antérieure aux formes récentes du marketing territorial, plus professionnel et organisé qu’autrefois. Cette nouvelle manière d’aborder la communication, qui fait appel à des professionnels de l’image, intègre les labels comme outil de communication parce que les valeurs phares qu’ils dégagent identifient très clairement et de façon qualitative le territoire qu’il s’agit de valoriser. Cependant, un label n’est pas qu’un vecteur d’image. Il est avant tout synonyme de qualité et, s’il contient une part promotionnelle, la composante relative au besoin d’identification et de démonstration des singularités d’un terroir, d’une commune, d’un département ou d’une région est bien présente et précède parfois l’enjeu économique. Ce besoin de faire valoir ses différences, ses savoir-faire ou les charmes de son pays fait partie de la tradition française rurale. Toute l’histoire des prix décernés dans les foires et les concours agricoles le montre bien. La mondialisation et la banalisation qu’entraîne l’industrialisation amplifent certainement ce phénomène communautaire. Finalement, il apparaît que les labels répondent d’abord à des enjeux identitaire et économique, sans qu’il soit toujours possible de déterminer lequel prime. Celui de la communication vient ensuite et, à ce stade, les labels deviennent des objets de marketing. Mais si les collectivités les utilisent pour leur propre promotion, tous ne sont cependant pas mis en avant de la même façon, même si plusieurs existent simultanément sur le terrain.
Différences et similitudes des labels
Il est intéressant à ce stade de se pencher sur la définition du mot “label” qui, somme toute, est simple : ensemble répondant à des critères communs, avec l’objectif d’en signifier l’intérêt ou la valeur. La définition est large et cette qualification peut aboutir à des résultats très variés, que ce soit pour les conditions d’obtention, les critères d’attribution où les obligations. Si on prend cette définition au pied de la lettre, les servitudes patrimoniales et paysagère en font partie au même titre, par exemple, que pour l’appellation “Villes et Villages fleuris”. Il est aisé de comprendre que cette dernière n’a pas les contraintes d’un site classé.
Dans le champ de l’aménagement, tous ont en commun de mettre en exergue un ou plusieurs facteurs de la qualité du cadre de vie. Certains conditionnent leur attribution à l’existence de tel ou tel “label-servitude” tandis que certains autres sont porteurs d’une aide financière, mais imposent une gouvernance de projet. Certains sont officiels. Pour ces labels officiels français, les critères et les conditions d’attribution sont fixés par des actes législatifs ou réglementaires. Le principe est identique, mais l’officialisation renforce le caractère normatif, sécurise l’usager et ouvre des perspectives ainsi qu’un rayonnement plus large. Le foisonnement des labels qualitatifs qui s’appliquent sur le territoire national, les combinaisons possibles ainsi que les conditions de certification ou de gestion imposent donc un certain discernement pour décrypter les objectifs de chacun, leurs fonctionnements et Le niveau d’engagement de la part des bénéficiaires.
Implication des collectivités territoriales
Le label de l’Unesco Patrimoine mondial, Graal des collectivités et reconnaissance absolue par l’attribution d’une “valeur universelle exceptionnelle”, est très recherché, (plus d’une centaine de demandes en liste d’attente au niveau national). Il possède une structuration singulière : l’État est garant de son maintien, tandis que sa gestion se fait au niveau des collectivités et qu’aucun encadrement législatif n’impose quoi que ce soit au bénéficiaire direct. Cependant, les outils pérennes de gestion qualitative du territoire, du ressort de l’État, qui sont eux-mêmes des “labels officiels” s’imposent sans difficulté, en dépit des contraintes générées, tant les retombées économiques du tourisme sont importantes. Le label Grand Site de Midi-Pyrénées est, comme son nom l’indique, une création du Conseil régional. Cet exemple est symptomatique de la différence d’approche des territoires qui existe entre l’État et les collectivités. La région a reproduit les principes du label Grands Sites de France en renforçant marketing et financements et en utilisant des sites d’envergure nationale, par ailleurs classés. Le résultat est très efficace en termes de rentabilité et de communication. Le label Plus Beaux Villages de France, à caractère associatif, est attribué par un conseil constitué d’élus. Il faut que la commune prétendante ait, entre autres, au moins un monument historique et soit capable de maintenir un bon niveau de qualité pour les travaux de restauration et d’embellissement. L’existence de monuments historiques permet d’associer l’ABF à la politique de mise en valeur. Ce label regroupe des villages emblématiques qui pour la plupart n’avaient pas besoin de ce label supplémentaire. Ce sont les effets amplificateurs du fonctionnement en réseau qui sont intéressants dans ce regroupement. Ces trois exemples montrent que l’économie et le marketing sont devenus des enjeux incontournables de l’aménagement et de la préservation du patrimoine architectural et paysager. Ces enjeux sont aux mains des collectivités qui sont les gestionnaires du territoire. Le nier en invoquant l’incompatibilité du commerce avec le maintien d’une qualité patrimoniale serait une posture relevant d’une conception archaïque de la mise en valeur du cadre de vie et du rôle de l’État. Cependant, pour que le patrimoine reste un outil de marketing valable, il doit conserver un niveau d’authenticité cohérent. Dans ces conditions, rien de mieux que le label virtuel “approuvé par les services de l’État” qui s’obtient aisément dans le cadre d’un accompagnement positif des projets de territoires.
Philippe CIEREN
Inspecteur général, ministère de la Culture